Stefan Wästerlund
Au milieu d’un village mais entouré d’un grand champ, se trouve une habitation à demi finie, couverte de plastiques, de bâches, de planches brutes et comme ficelée, à la Cristo. Un petit homme ventre à l’air, bouffi, barbu et légèrement bizarre, les bras ballants, m’accueille en transpirant, un marteau à la main. Il se défend bien en anglais et m’introduit sans problème dans son refuge malodorant. Un gros chien « acheté à un alcoolique » et quatre ou cinq chats angoras traînent leurs longs poils sur le sol. Il me raconte qu’il habite à Skellefteå, qu’il a acheté la maison et veut la retaper avant l’hiver, que des drogués y habitaient et qu’il y a beaucoup de travail. Il a vécu longtemps à Stockholm, partageant sa caravane avec d’autres marginaux. Chez lui, c’est une misère sans drôlerie, abrupte, dérangeante. Des boîtes pour chat partout, une grosse caisse à crottes, des paquets et des cassettes vidéo sans titre ; on ne discerne rien dans le débarras général. Heureusement beaucoup de lumière entre par les fenêtres. Avec mon gros appareil photo et mon ventre de femme enceinte, je bouscule les objets entassés : l’assiette sale, la cuillère en plastique pleine de pâté, et les rattrape maladroitement dans leur chute, les repose sur l’évier. Il se pose gentiment, sans affectation et avec patience. Il me montre ensuite la caravane dans laquelle il vit. Deux sacs de grain pour les poules en bouchent l’entrée. Je reste dehors car à l’intérieur, c’est encore une épreuve, un espace clos envahi par les déferlements plastifiés, colorés, nauséabonds, restes de denrées comestibles et de déchets urbains.