Berit Stålhanske
Je découvre un grand moulin électrique datant de 1910, avec, dans des chambres blanches de farine, de magnifiques machines, conduits, entonnoirs, bacs et manettes en bois. Puis je tombe sur cette bâtisse ancienne, aux ouvertures entourées d’un bleu outremer foncé. De petites broderies de fil, insérées dans des cadres de bois décorent les vitres. La maison semble vide et silencieuse mais quelques fenêtres ont été ouvertes.
Une dame rousse vient vers moi, peu surprise. Et oui, cette maison est particulière, très spéciale même. Elle a été classée par le Musée d’Art Populaire de Skellefteå et porte un nom, Rijfska Gården, reçu de son architecte Jacob Rijf, un norvégien de la fin XVIIIe qui a dessiné plusieurs édifices religieux locaux. Depuis quelques années, Berit restaure cette maison où ses grands-parents ont vécu, où elle a grandi et où ses enfants passent leurs vacances.
Elle me fait entrer dans toutes les pièces et me présente chaque détail, me raconte les couleurs, les matériaux superposées sur les murs et les poutres, comme autant de couches géologiques. Elle me fait remarquer en haut les marques au pochoir qui imitaient le papier peint à la mode de l’époque, qu’elle a découvert après avoir démonté le faux plafond. Dans la grande entrée, les couches de papier peint se chevauchent. Des trous dans les murs témoignent du passage de gros tuyaux installés pour le chauffage central, tandis que les poutres noircies du grenier racontent un incendie arrêté de justesse. Quelques objets de famille : une lampe à huile, un grand tapis de boudins de tissus fabriqué par sa grand-tante, un tableau d’ancêtres posé au-dessus d’un vieil orgue. Le dégradé des murs et des plafonds fait penser à ces palais indiens. C’est très beau. Berit, avec ses yeux ronds d’un bleu limpide, avec son pantalon de peintre et tee-shirt H&M, pose simplement, tournant parfois la tête afin de me laisser le choix de l’instant du « clic ».