Avec la pandémie Covid, un décalage évident s’est creusé entre le réel visible et le réel invisible.

Si le réel visible semble presque ordinaire, inchangé, le réel invisible vire à l’inquiétante étrangeté. Nos yeux nous trompent : il règne dans l’air, dans les choses, une dimension microscopique qui nous incite à la prudence, pour nous préserver de la maladie et nous protéger de la mort.

Dans le métro, espace confiné « à haut risque », la présence du virus se révèle plus préoccupante encore : la peur individuelle de la contagion est démultipliée par la vision des masques cachant les visages et par les messages impersonnels, sortis des haut-parleurs, collés sur les parois, marqués au sol, qui se sont doublés un temps de contrôles policiers assortis d’amendes, en cas de non respect des « consignes sanitaires » et des « gestes barrières ».

Cette distance persistante entre le visible et l’invisible s’est accompagnée naturellement – et sans trop qu’on y fasse attention – d’un développement de notre imagination. Nous avons tous « vu » la contamination. Nous avons tous « dessiné » des contours intouchables aux êtres, aux choses, et placé du côté de l’interdit ce qui nous était auparavant courant, banal, coutumier.

Cette série « Lieu contaminé » donne une forme à cette expérience sensible et sensuelle du réel, qui joue du visible et de l’invisible, de l’autorisé et de l’interdit. Elle est déclinée en trois volets : les couloirs et les quais contaminés, les affiches arrachées, les portraits retouchés.