Harrit Anserson
J’étais « sur les rotules » mais cette femme, que j’avais raté deux fois déjà, m’attendait ferme. Je suis restée longtemps chez elle, elle était si bavarde et moi si fatiguée que j’eus l’impression d’avoir la fièvre tout le long de cette visite. Une maison pleine d’objets. Un fils d’une dizaine d’années devant la TV et un neveu du même âge, collé au premier. Les deux inséparables devaient se rendre dans un camp de jeunes le lendemain. Pas très mobilisés. Toute l’histoire de Harrit et de sa maison m’est contée. Les vieux paquets d’emballages qu’elle garde pour la décoration parce qu’ils lui rappellent la maison de sa grand-mère, le paquet de linge dans la petite remise contre la cuisine qu’elle veut donner aux gens « qui en ont besoin », la photo de ses parents, son affection pour sa mère, la relation de sa mère à sa sœur, la poupée moderne qu’elle habille à l’ancienne, l’autre plus précieuse, qu’elle a eu pour ses 5 ans et qu’elle ne promenait jamais dehors pour ne pas l’abîmer… Elle évoque les premiers jours passés dans cette maison chèrement acquise, quand son mari travaillait la nuit et que, seule, elle entendait les chauve-souris cogner contre les murs, le parquet craquer et son chat bondir dans le grenier. Elle appelait son père pour se rassurer et il lui conseillait de parler aux fantômes, moins dangereux disait-il que les vagabonds… A propos de vagabondage, elle m’apprend que la police a publié récemment un message dans le journal pour prévenir la population de l’errance d’une jeune femme de 30 ans, qui entre dans les maisons, demande un verre d’eau et vole les bijoux dans les tiroirs. Elle me regarde en souriant : « j’ai pensé que c’était peut-être vous ». L’histoire nous amuse beaucoup. Puis elle poursuit sur sa vie professionnelle : elle est infirmière pour personnes déstabilisées psychologiquement, femmes violées, battues, mal entourées, etc. Elle me raconte d’horribles histoires et son épuisement quand elle rentre : elle ne sait plus quel jour on est ni sa date de naissance. Finalement je réussis à repartir, à monter dans ma voiture. Epuisement. Je lutte pour rester concentrée sur la route.